De la RSE à la raison d'être... et/ou réciproquement ?

La loi PACTE (Plan d'action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises), publiée le 22 mai 2019, modifie, entre autres, le Code du Commerce et le Code Civil. Elle acte, pour toutes les entreprises, la prise en compte des impacts sociaux et environnementaux de leurs activités (article L1833 du Code Civil).

Elle propose également 2 niveaux de co-construction pour une intégration réelle, partagée et fructueuse de ces enjeux :

► la raison d'être (Art. 1835 du code civil)

► la qualité d'entreprise à mission (Art. 210-10 à L 210-12 du Code du Commerce).

Conseil en stratégie et responsabilité sociétale, Dominique MICHALON vous invite ci-après à approfondir et optimiser ces dispositions et, au-delà, ces liens vitaux entre stratégie générale et RSE.

►Faire de l'intégration des préoccupations sociales et environnementales le pivot de votre devenir

Rendons-nous directement au chapitre III de la loi PACTE : "Des entreprises plus justes" et à sa section 2, intitulée "Repenser la place des entreprises dans la société".

Ça commence plutôt bien pour la responsabilité sociétale :  

L'article 1833 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
"La société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité.".

Emery JACQUILLAT, PDG de la CAMIF Matelsom, commente ainsi cette inclusion : "La loi  va résoudre le conflit entre la performance sociale et environnementale et le profit […] Elle protégera et pérennisera le projet de l’entreprise".

► Co-définir votre raison d'être : vers la clarification de votre contribution spécifique aux Objectifs de Développement Durable

Dans la foulée, une première proposition est faite aux entreprises qui le souhaitent :

L'article 1835 est complété par une phrase ainsi rédigée : "Les statuts peuvent préciser une raison d'être, constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité."

Définir sa raison d'être, c'est un acte stratégique fondamental qui vise à exprimer son utilité sociétale. Emmanuel FABER, PDG du groupe Danone, exprime la vertu fédératrice et motrice de l'exercice : "Le sens est la colonne vertébrale de l'aventure collective qu'est l'entreprise".

Bien sûr, d'autres grandes et moins grandes entreprises et des associations (dont le Centre des Jeunes Dirigeants) redéfinissent actuellement leur raison d'être au vu des suggestions de la loi. Quel que soit le secteur d'activité et le statut, cette démarche ─réalisée en concertation avec les parties prenantes─ s'avère toujours constructive. Des facteurs-clés de pertinence ont été identifiés par les principaux consultants facilitateurs de cette réflexion.

À titre d'exemple, en même temps que le plan d'action et de communication pour l'application de la loi PACTE (les décrets devraient tous être publiés d'ici le 22 novembre 2019), Bruno Le Maire annonçait le 12 septembre 2019 que les entreprises dans lesquelles l’État est actionnaire devront se doter d’une raison d’être d’ici 2020. La banque publique d’investissement, Bpifrance, est appelée à faire de même avec les entreprises dans lesquelles elle détient une participation.

Comment faire ? Les Objectifs de Développement Durable pour 2030 constituent, à notre avis, un cadre de réflexion intéressant car, en tant que cap collectif, ils permettent à chacun de définir sa contribution voulue  en conciliant court, moyen et long terme ; ils permettent ainsi à chaque organisation de dessiner sa trajectoire contributive cohérente et pertinente pour l'expression de sa raison d'être.

En effet, bien qu'a priori très "macro" (mais en lecture de premier niveau seulement), les ODD servent de plus en plus souvent de boussole car les cibles permettent à chaque entreprise, même petite et locale, de s'y retrouver et de clarifier sa contribution possible aux enjeux mondiaux partagés.

Si vous avez besoin comprendre plus profondément en quoi ces étranges ODD vous seront utiles pour préciser votre intention stratégique, nous vous incitons à parcourir, entre autres, le dossier de synthèse que nous avons co-rédigé avec La Plateforme 21 pour le Développement durable : https://www.plate-forme21.fr/dd-scope-et-autres-docs/article/dd-scope-no6-septembre-2018).

Les ODD font leur chemin à la rencontre de tout type d'organisations : la finance responsable les utilise de plus en plus comme grille d'analyse ; pour faciliter les croisements de regards, les passerelles et grilles de lecture de et vers l'ISO 26000 ─cadre de référence en responsabilité sociétale s'il en est─ ont été récemment clarifiées.

Nous attestons que la juste prise en compte des ODD facilite grandement l'articulation entre stratégie générale et RSE, via le pivot de la raison d'être. De plus, même si la formulation et le nombre peuvent varier, ces "méta-objectifs" et leurs cibles se prolongeront probablement au-delà de l'échéance prévue de 2030, tant ils correspondent à des besoins fondamentaux qui ne seront malheureusement pas entièrement couverts en 2030.

En ce sens, ils portent, comme la raison d'être, une vision de progrès équilibré à moyen et long terme. Ils vont donc également nous aider, de façon authentiquement cohérente et efficace, non seulement à définir une destination mais à dessiner ce parcours de clarification, de partage et de mobilisation. Et si vous avez déjà défini et intégré votre responsabilité sociétale en structurant votre réflexion sur l'ISO 26000, nous vous proposerons un cheminement qui vous permettra, au-delà des tables de correspondance, de mettre en évidence et de vous approprier, de façon adaptée et authentique, votre raison d'être et votre contribution recherchée aux ODD.

► Devenir une entreprise à mission ?

Vous voulez aller plus loin ? Prochain arrêt à l'article 170 de la loi PACTE :

Le titre Ier du livre II du code de commerce est complété par des articles L. 210-10 à L. 210-12 ainsi rédigés :
« Art. L. 210-10.-Une société peut faire publiquement état de la qualité de société à mission lorsque les conditions suivantes sont respectées :
« 1° Ses statuts précisent une raison d'être, au sens de l'article 1835 du code civil ;
« 2° Ses statuts précisent un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux que la société se donne pour mission de poursuivre dans le cadre de son activité ;
« 3° Ses statuts précisent les modalités du suivi de l'exécution de la mission mentionnée au 2°. Ces modalités prévoient qu'un comité de mission, distinct des organes sociaux prévus par le présent livre et devant comporter au moins un salarié, est chargé exclusivement de ce suivi et présente annuellement un rapport joint au rapport de gestion, mentionné à l'article L. 232-1 du présent code, à l'assemblée chargée de l'approbation des comptes de la société. Ce comité procède à toute vérification qu'il juge opportune et se fait communiquer tout document nécessaire au suivi de l'exécution de la mission ;
« 4° L'exécution des objectifs sociaux et environnementaux mentionnés au 2° fait l'objet d'une vérification par un organisme tiers indépendant, selon des modalités et une publicité définies par décret en Conseil d'État. Cette vérification donne lieu à un avis joint au rapport mentionné au 3° ;
« 5° La société déclare sa qualité de société à mission au greffier du tribunal de commerce, qui la publie, sous réserve de la conformité de ses statuts aux conditions mentionnées aux 1° à 3°, au registre du commerce et des sociétés, dans des conditions précisées par décret en Conseil d'État.

Devenir une entreprise à mission, c'est clairement décider d'un suivi interne et d'une vérification externe de ses résultats. C'est se donner les moyens de l'activation dans la durée et de la reconnaissance de son engagement sociétal par toutes ses parties prenantes… dont l'État. Christophe ITIER ─Haut-Commissaire à l’Économie sociale et solidaire et à l’Innovation sociale auprès de la Ministre de la Transition écologique et solidaire─ construit actuellement, avec une coalition d'entreprises engagées, le programme "10% pour tout changer" : des accompagnements financés, des dispositifs réglementaires et des avantages fiscaux pourraient donner un coup de pouce à ces démarches. A suivre : https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/Cahier%20de%20travail.pdf